Sophrologie : Se sentir revivre après un Accident Vasculaire Cérébral.


Publications / mardi, octobre 16th, 2018
[Cet article est écrit avec l’accord de la personne concernée et validé après lecture – Accompagnement Sophrologique de Juin à octobre 2018]
C’est plus qu’un article, plus qu’un témoignage, c’est un billet d’humeur ; et il tombe à pic ! Car je suis aujourd’hui habillé d’humeur confiante. J’exerce chaque jour, au Centre de Santé Noeuxois, la Sophrologie dont les champs d’application sont multiples. Comme dans chacun de mes articles, il est essentiel d’entendre la singularité de l’histoire qui va suivre. Il s’agit de l’expression de jeux de maux. Des maux dramatiques, des maux éprouvants, et puis des maux plus doux, jusqu’à l’envie de revivre.
En juin 2018, j’ai eu le bonheur de rencontrer Marie Paule, petit bout de femme de 60 ans. Marie Paule m’a contacté préalablement à notre première rencontre. Je ne savais pas ce qu’elle souhaitait à cette époque. Elle non plus dailleurs. Tout ce que je savais, c’est qu’elle me consultait en rapport avec un AVC dont elle a été victime en 2015.
Lors de la première consultation, elle fut accompagnée par sa canne et son époux. La précision toutefois risible est pourtant d’une importance capitale. Son époux et sa canne, inexorables béquilles indissociables de son propre corps et de son esprit ; témoignage terrifiant de sa dépendance à l’autre. Lorsque je vins les rejoindre tous deux (ou trois) dans la salle d’attente, comme a mon habitude, je les invitais à me suivre jusqu’à mon bureau. Une personne lambda, qui n’a pas l’âme d’un pressé met environs 8 à 10 secondes pour arriver jusqu’à mon bureau. Il fallait plusieurs minutes à Marie Paule pour réaliser ce qui semblait être pour elle la réalisation d’un exploit.
Durant cette première séance, l’entretien était confus. Je la laissai exprimer ce qu’elle avait à dire. Et ce qu’elle avait à dire était bercé de larmes et de sanglots qui parfois l’empêchait de parler. Elle tentait de s’apaiser un tant soit peu face aux « calme-toi, ne t’énerve pas » que son mari lui chuchotait. Car pour Marie Paule, tout était voué à l’énervement ; tout était perdu d’avance. Ses problèmes de polyarthrite rhumatoïdes, son opération de la hanche, ses deux prothèses de genoux, jusqu’à son AVC en 2015. Hémiplégique, elle avait besoin d’une aide constante pour les gestes du quotidien. Jusqu’à une tentative de suicide par le gaz la même année. Cette vie là, elle n’en voulait pas. Qui en voudrait ? Elle, autrefois Assistante Familiale, avait construit toute sa vie sur la notion d’autonomie. Son discours était alors décousu. Elle oscillait entre le moment présent qu’elle refusait, son passé qu’elle regrettait et son futur psychiquement inaccessible.
L’évaluation symptomatique globale relevait les sentiments suivants : un stress et un sentiment d’angoisse important, une hyperémotivité, un manque cruel de confiance en elle, une irritabilité et une mauvaise humeur de chaque instant, un sentiment de déprime continuel, une agressivité exacerbée envers les autres, des problèmes de concentration et une grande perte de plaisir, des douleurs dans l’oreille gauche (“C’est comme si on m’enfonçait un long glaçon” disait-elle), une constipation et des douleurs abdominales, une incapacité de lever le bras gauche, et des étourdissements récurrents. Le seul plaisir que Marie Paule pouvait exprimer était lié aux promenades avec son chien, et les Mandalas qui lui apportaient concentration et apaisement.
Pour la consultation suivante, je lui proposais de préférer le déambulateur à la canne ; ce qui serait plus adéquat en ce sens qu’elle pourrait faire les exercices plus facilement et rester plus aisément debout les yeux fermés.

CONSULTATION N°2

Cette deuxième consultation permet à Marie Paule d’apprendre à évacuer les tensions, et à ressentir les sensations positives du corps. Nous nous concentrons alors sur son ventre. A l’issue, elle dit se sentir relâchée. Elle met en avant ne pas avoir ressenti de douleurs dans le bras gauche durant les exercices.
Pendant que j’enregistre la séance sur un CD Rom, Marie Paule reste face à la fenêtre. Elle m’interpelle soudainement : « Vous savez quoi ? j’ai mon ventre qui gargouille ». L’expression d’une sensation longtemps inaccessible. « Tiens ?! y’aurait-il quelque chose de vivant en vous ? ».

CONSULTATION N°3

Avec son déambulateur, Marie Paule montre plus d’aisance à la marche. Le soutien de son époux est malgré tout nécessaire pour traverser le couloir. Ce début de séance est marqué par la manifestation d’une fierté personnelle qu’elle n’hésite pas à exprimer. Elle et son mari ont fait l’acquisition d’une voiture avec boite automatique. Pour la première fois depuis 2015, Marie Paule à pu conduire de nouveau pour se rendre chez sa fille, à une dizaine de kilomètres. Une histoire qui peut sembler anecdotique mais qui donne beaucoup d’espoir. Derrière un acte anodin pour chacun d’entre nous, il y a chez elle l’expression du « possible ».
Mais cette séance est vouée aussi à l’expression de sa peur de l’avenir, de sa crainte d’être abandonnée par son mari. Comment ne pourrait elle pas avoir peur, elle qui voit en lui la fatigue s’installer, elle qui capte dans son regard une certaine forme de lassitude et de découragement. Une complicité entre eux deux dont elle dit qu’elle s’estompe, et le sentiment de voir s’échapper ce qui la maintien en vie : la solidité de leur couple. Et pourtant, elle manifeste soudainement une rage de vivre lorsqu’elle serre les points et lance d’une voix assurée : « Je veux m’en sortir ! ».
Sans cesse, il est nécessaire de la raccrocher à la vie et au sentiment d’espérance. Je lui propose de travailler aujourd’hui sur cette expérience de la conduite, au travers d’une Découverte Vivantielle du Positif. Revivre ce moment d’exaltation a travers les sensations qu’il a pu lui procurer. Après l’exercice, sa Phénodescription (description des sensations et phénomènes perçus durant la séance) est sans équivoque : « Je suis prête à reprendre le volant ! ».

CONSULTATION N°4 :

Dans la salle d’attente, Marie Paule affiche un sourire. Elle est venue maquillée, ce que je lui fait remarquer. Durant l’entretien, elle explique s’entraîner deux fois le matin, et deux fois l’après midi, sur des exercices d’une vingtaine de minutes chacun. Elle me fait part d’une amélioration significative quant à un sentiment de vulnérabilité qui la ronge depuis trois ans : “Avant j’avais peur de rester seule, j’avais peur qu’on m’agresse. Je n’ai plus peur maintenant”.
L’objectif de la séance est lui permettre de consolider les effets positifs d’une bonne respiration en travaillant sur l’axe respiratoire (Sophro-Activation de la Présence de l’Axe Respiratoire [Méthode créée en 2003 par José NEVE – Docteur en Neurosciences – Directeur de l’Ecole de Sophrologie de l’Artois – et qui permet de retrouver une respiration abdominale inconsciente]). Un travail d’ordinaire dynamique, qui demande une certaine tonicité, que j’ai adapté bien entendu à la condition physique de Marie Paule.
Phénodescription : “Je me sens vidée, je me sens bien”.

CONSULTATION N°5 :

Lorsque je reçois Marie Paule pour la 5e séance, elle montre un dynamisme que je ne lui connaissais pas encore. Il y a comme une force qui l’habite, une vitalité qui l’anime. Elle relate qu’elle marche seule avec son chien, plus longtemps et plus loin. Elle s’exerce toujours autant aux exercices Sophrologiques (deux fois le matin, et deux fois l’après midi). Au regard de ses progrès, je l’encourage à se détacher progressivement des enregistrements. “De toute façon je les connais par cœur” me répond-elle. Je ne voudrai pas être sa troisième béquille dans la trilogie “Canne-Epoux-Sophrologue”. Mais, comment ne peut-elle pas être dépendante du Sophrologue alors que la vie l’a contraint depuis trois ans à dépendre de tous. Je lui demande donc de ne plus écouter les enregistrements, de moins s’exercer et de sortir davantage, de marcher, d’aller à la rencontre des autres… Et en bonne élève, Marie Paule s’exécute.
L’objectif de la séance d’aujourd’hui est d’aider Marie Paule à prendre conscience de son cou, et d’apprécier la détente sur cette partie du corps pour engager progressivement une diminution de la sensation douloureuse sur son oreille gauche. Nous terminons l’exercice par une captation des sensation sur la peau de son cou, pour enrichir encore la vivance (le vécu).
“Ca va toujours après une séance” dit-elle à l’issu de l’exercice, d’un ton apaisée.

CONSULTATION N°6

Au fil des consultations, Marie Paule retrouve dynamisme et enthousiasme. “Je galope !” dit-elle. “Je me sens bien plus en forme”. Elle fait référence à son voyage dans le sud de la France prévu le mois prochain : “Dans ma tête je suis déjà en vacances” ; elle qui ne réussissait plus à se projeter dans l’avenir. Elle souligne avec ardeur qu’elle n’utilise plus les enregistrements. Elle s’entraîne une fois le matin, et toujours deux fois l’après midi.
Le travail Sophrologique du jour est porté sur sa tête, au travers de ses cinq sens, dans un voyage plus en profondeur, partant de sa peau jusqu’aux muscles de son visage. Une contemplation externe de son visage jusqu’à une contemplation senso-perceptive de l’interne de sa tête. Avec cette force sur ses muscles, elle peut alors se nourrir de sensations positives du passé. Enfin, la projection dans le futur devient une consolidation de ce qu’elle est déjà en capacité de penser seule : la vie demain. A l’issue, avec un sourire tinté d’espoir, elle s’exclame : “Je me sens de mieux en mieux”.

DERNIERE CONSULTATION :

Un mois s’est écoulé depuis la dernière consultation. Marie Paule est rentrée de vacances la semaine précédente. Elle évoque ce moment comme une renaissance, une capacité de vivre pleinement les choses et de se ressourcer. Aujourd’hui elle attend avec impatience son prochain séjour. Sa capacité à se projeter dans l’avenir est définitivement ancrée en elle. Elle s’entraîne désormais sans enregistrements, et une seule fois par jour. Entraînement indispensable pour maintenir les acquis.
Nous travaillons alors dans un cadre plus méditatif, à travers sa peau, ses muscles, ses os. Avec la force retrouvée sur tous ses tissus, elle peut vivre pleinement sa tridimensionnalité (Passé / Présent / Futur).
Nous arrivons au termes de la stratégie de cure que j’avais mis en place et proposé à Marie Paule au début de la prise en charge. Lors de cette consultation, pour valoriser encore un peu plus les progrès, je lui propose que nous revenions sur l’Evaluation Symptomatique Globale que nous avions faite au départ. Les sentiments exprimés sont aujourd’hui bien différents. Certes, les douleurs ressentis dans l’oreille gauche sont toujours très prégnantes. Des examens médicaux sont prévus pour en rechercher la cause. A l’instar, le stress, les angoisses, le sentiment de déprime et l’hyperémotivité ont disparus. Marie Paule dit avoir retrouvé confiance, en elle d’abord, puis en l’avenir. Elle explique ne plus avoir de problèmes de concentration. S’engager dans le “dehors” et sortir de la maison n’est plus une démarche anxiogène. Enfin, ses problèmes intestinaux et de constipations sont selon elle quasiment résolus. Elle montre une vitalité extraordinaire, et un désir absolu de VIVRE !

La Sophrologie, lorsqu’elle est vécue, est une expérience intrinsèque qui élève, qui enrichie et qui donne espoir.

Axel PISSY – Sophrologue
Dans cet espace, où se chevauchent l’expérience du Sophrologue et celle de la personne accompagnée, la possibilité est donnée au Corps de redonner à tout à chacun le pouvoir de s’enrichir, de s’apaiser, de se sentir plus en harmonie et de regarder “demain” comme étant un projet exaltant. Je suis aujourd’hui le témoin privilégié des progrès de Marie Paule. Sa motivation et son investissement dans le travail que l’on a engagé ensemble a permis une avancée spectaculaire dans le regard qu’elle porte aujourd’hui sur le monde qui l’entoure et sa place dans celui-ci. Derrière ces progrès, se cachent en réalité une volonté sans faille de s’accrocher aux outils Sophrologique pour les utiliser comme faisant partie d’elle même. Marie Paule est un exemple pour celles et ceux qui, à la suite d’un Accident Vasculaire Cérébral, se demandent si la vie vaut encore le coup d’être vécue.

TÉMOIGNAGE DE MARIE-PAULE

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